Fruit d’une lente évolution conceptuelle sur le plan international et d’une prise de conscience progressive de la part des divers milieux socio-professionnels en collectivités, dans les établissements et en entreprises, la dimension juridique en France qui s'est structurée autour des textes internationaux, européens, puis nationaux a sensiblement évoluée à partir du début des années 2000, notamment en déclinaison des fondements du droit européen concernant la protection de la santé mentale au travail.
En effet, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne met en exergue le droit dont dispose toute personne pour sa santé physique et mentale, ainsi que le respect de sa dignité, y compris dans le cadre de l’exercice de son activité professionnelle. Les principes généraux du droit européen intègrent dès lors la santé et la sécurité au rang d’exigences en application des dispositions de l’article 6 du Traité de Lisbonne.
Traité de Lisbonne - Directive-cadre européenne « santé-sécurité »
Le Traité de Lisbonne ratifié le 13 décembre 2007 (Traité 2007/1 - 306/01), modifiant le Traité sur l’Union européenne et le Traité instituant la Communauté européenne, intègre une « clause sociale » qui requière l’adaptation des politiques nationales des États membres. Le Traité de Lisbonne a notamment donné à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne la même valeur juridique que celle des Traités. Celle-ci confère tout particulièrement une place à la dignité humaine, aux droit à l’intégrité de la personne, aux conditions de travail justes et équitables, à la protection de la santé, etc.
La transposition du droit européen dans chacune des dispositions juridiques nationales s’appuie également sur la directive-cadre « santé-sécurité » ratifiée le 12 juin 1989 (Directive 89/391/CEE du Conseil) qui a pour objectif d’instaurer une culture de prévention dans tous les États de l’Union européenne en mettant l’accent sur neuf principes de prévention :
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Éviter les risques ;
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Évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
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Combattre les risques à la source ;
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Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment d’atténuer le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
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Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
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Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
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Planifier la prévention en visant un ensemble cohérent qui intègre dans la prévention la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants du travail ;
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Prendre des mesures de protection collectives par priorité à des mesures de protection individuelle ;
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Donner les instructions appropriées aux travailleurs.
Bien que la directive-cadre « santé-sécurité » couvre un champ d’application étendu au regard des activités et des risques professionnels, les partenaires sociaux ont dû renforcer la démarche en sollicitant la signature d’accords-cadres spécifiques aux risques psychosociaux (RPS).
Ainsi, sous l'influence de leurs actions, chaque employeur en collectivité comme en entreprise a progressivement pris conscience de la place qui doit être donnée à la démarche de prévention des RPS pour ses salariés. En inscrivant ce risque dans le document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP) et en mettant en œuvre un plan de prévention spécifique qui intègre généralement un temps dédié à la formation, l'employeur au sein de sa collectivité, de son établissement ou de son entreprise répond à une obligation de sécurité et de protection de la santé vis-à-vis de ses salariés.
Évolution du droit en matière de risques psychosociaux en France
Par la transposition de la règlementation européenne et sous l’impulsion des partenaires sociaux, les risques psychosociaux sont rentrés dans le champ des obligations d’évaluation et de prévention à la charge de l’employeur pour protéger la santé et assurer la sécurité de ses travailleurs.
Les neuf principes de prévention ont ainsi été transposés intégralement et précisément dans le code du travail dès 2006, puis transcrits à l’article L.4121-2 dans sa version actuelle.
L’article L.4121-1 du code du travail impose que « l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». En fait, dans son titre II relatif aux principes généraux de prévention, le code du travail met l’accent sur les obligations de l’employeur (chapitre Ier), mais aussi sur celles qui s’imposent à tous travailleurs en termes d’obligations à respecter les instructions qui lui sont données et qui sont transcrites par exemple dans le règlement intérieur, en matière de santé et de sécurité, pour lui comme pour les autres personnes qui sont « concernées par ses actes ou par ses omissions au travail ».
Toutefois, cette approche législative, bien qu’elle confère une implication collective dans sa mise en œuvre n’enlève en rien le principe de responsabilité qui s’oppose de manière prépondérante à l’employeur.
Par déclinaison de cette règlementation générale, des dispositions règlementaires particulières mettent plus spécifiquement l’accent sur :
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L’organisation du travail, comme le travail de nuit, le travail en équipe et le travail posté ;
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Les relations au travail en application du principe de non-discrimination, de l’interdiction du harcèlement moral et sexuel, de même que sur l’obligation de prévenir ses risques ;
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La prévention des risques qui sont liés au bruit ;
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La prévention des risques relatifs au travail sur écran.
En complément, des accords nationaux interprofessionnels concernant le stress au travail, le harcèlement moral et les violences au travail ont été conclus de manière plus spécifique. Sans être exhaustif, on peut signaler :
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L’accord national interprofessionnel sur le stress au travail du 2 juillet 2008, rendu obligatoire par un arrêté ministériel du 23 avril 2009 ;
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L’accord national interprofessionnel sur le harcèlement et la violence au travail du 26 mars 2010, complété par un arrêté du 23 juillet 2010 ;
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Accord pour la prévention des risques psychosociaux dans la fonction publique du 22 octobre 2013 suivi de la mise en place d’un plan national d’action pour la prévention des RPS, suivi de plusieurs circulaires et instructions parues dès 2014.
L'évolution du droit en matière de RPS a permis d'engager une démarche plus globale allant de la prise en compte dans le DUERP, jusqu'à la mise en œuvre d'un plan de prévention généralement élaboré sur les bases d'un diagnostic RPS permettant d'évaluer l'exposition de chaque personnel salarié.
Les situations d’exposition des travailleurs aux risques psychosociaux, une fois évaluées, incarnent généralement un point de départ pour une prise de conscience collective qui permet d'engager une démarche plus globale de prévention afin de protéger l'ensemble des salariés. Celle-ci intègre des actions de prévention primaire ou secondaire et débouche fréquemment sur des actions de formation et de sensibilisation qui doivent pouvoir concerner l'ensemble des acteurs de la collectivité, de l’établissement ou de l'entreprise.
En mettant en place des actions de formation aux RPS au sein de sa collectivité publique, de son établissement d'enseignement, de santé ou de son entreprise, l'employeur se met en capacité d'assurer une meilleure prise en considération et une meilleure gestion des risques psychosociaux pour l'ensemble des salariés. Cela contribue à agir en amont pour réduire les facteurs de risque auxquels son personnel peut être exposé.
Selon la situation socio-professionnelle concernée, en s'appuyant sur des ressources internes ou en faisant appel au service d'un prestataire de formation extérieur, les employeurs se mettent en capacité de mieux limiter les conséquences des risques psychosociaux et de mieux appréhender chaque situation de stress, de violence interne ou externe, d'épuisement professionnel. En fonction de la situation concernée, l'action de formation et l'offre de service peuvent être ajustées.