L’émergence des risques psychosociaux (RPS) en entreprise, comme dans les établissements publics, est le fruit d’un long processus qui trouve en réalité des sources historiques assez anciennes au sein du champ des risques professionnels, tout en obliquant une lente évolution des conditions de travail qui s’est développée depuis l’ère préindustrielle.
Un basculement progressif s’est ainsi instauré dans la vie professionnelle entre une approche initialement centrée sur l’individu qui privilégiait alors une adaptation de l’homme au travail, contre ce qui a ensuite progressivement glissé vers une autre approche de nature organisationnelle cette fois, ce qui a favorisé le développement de la prévention des risques professionnels en promouvant l’adaptation du travail à l’homme.
Mutation des risques professionnels
A partir du milieu du 18ème siècle et jusqu’au milieu du 19ème, les travaux de plusieurs médecins (Docteur Ramazzini parus en 1714 et Docteur Villermé parus en 1840) ont permis de mettre l’accent sur l’existence de risques, d’accidents et de maladies qui trouvent leurs origines dans le champ de l’exercice du travail. Loin d’être une évidence au départ où la théorie contractuelle prévalait très largement sur celle de la faute, ces notions ont connu néanmoins une lente évolution et une prise de conscience croissante qui s’est consolidée au fil du temps.
La théorie contractuelle
En effet, la théorie contractuelle largement répandue aux 18ème et 19ème siècles s’appuyait sur la conclusion d’un contrat de louage de service entre un ouvrier et un patron. Ainsi, le travailleurs se plaçait à la disposition d'un employeur en s'inscrivant dans une démarche délibérée auprès de son potentiel recruteur.
Dès lors, l’ouvrier victime d’un accident au travail n’était pas en faculté d’intenter un quelconque recours vis-à-vis de son patron puisqu’il s’était engagé en « pleine connaissance des dangers » inhérents à son travail.
Dans ce contexte, très peu de place était alors donnée à la prévention des risques et à la préservation de la santé au travail.
La théorie de la faute
Progressivement, la théorie de la faute est venue supplanter la théorie contractuelle en mettant en avant les droits du travailleur en cas d’accident dans son cadre professionnel. Celui-ci a alors graduellement pu faire valoir des recours juridiques grâce à l’évolution du droit civil. Ainsi, peu à peu, l’employeur s’est vu opposer une obligation de sécurité à l’égard de ses salariés.
Cette transformation nécessairement prise en compte dans l'organisation du travail a fait progressivement émerger des pratiques nouvelles en termes de droit social qui, en France, seront par la suite définies dans le code du travail.
Une lente évolution vers une obligation de sécurité
Ainsi, avec l’extension de la révolution industrielle, un long processus d’appropriation des risques professionnels a éclos au travers notamment d’une délimitation du champ des responsabilités de l’employeur et de la recherche, puis de la mise en vigueur, de diverses solutions juridiques et pratiques. C’est ainsi que plusieurs lois ont été votées à la fin du 19ème et au début du 20ème siècles portant respectivement sur les accidents du travail (Loi du 09/04/1898) et sur la reconnaissance des maladies professionnelles (Loi du 25/10/1919).
Le socle de la conception des risques professionnels, notamment en entreprise, de même qu'une formalisation de la responsabilité et les natures de solutions à mettre en œuvre pour y remédier étaient ainsi nées.
Les diverses organisations professionnelles, quel que soit le métier exercé, ont graduellement donné une place plus importante à la santé et à la sécurité en application des mesures somme toute inscrites au code du travail.
Émergence des risques psychosociaux
Ce n’est que vers la fin du 20ème siècle que la notion de risques psychosociaux (RPS) au travail s’est réellement ancrée dans le domaine des risques professionnels. Le congrès de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en 1998 instaure un premier fondement de l’expression « risques psychosociaux au travail ». En France, la seconde partie des années 2000 verra là aussi se développer une appropriation exponentielle du sujet des RPS.
C’est ainsi que progressivement, les sphères politiques, puis juridiques et plus tardivement académiques se sont emparées de ce phénomène en y portant un intérêt de plus en plus large.
Dès lors, les actions de prévention pour préserver la santé des travailleurs en entreprise, comme dans les collectivités ou les établissements en général ont au fur et à mesure évoluées.
L'étude des risques psychosociaux
En France, la conférence sociale sur les conditions de travail du 4 octobre 2007 a initié la rédaction d’un rapport permettant d’identifier, de quantifier et de suivre les risques psychosociaux. Le 9 octobre 2009, le conseil d’orientation des conditions de travail a tout particulièrement porté ses travaux sur ce point. En 2010, un rapport sur le bien-être au travail (Henri Lachmann, Président du conseil de surveillance de Schneider Electric) est venu compléter les connaissances avant d’être suivi par une mission d’information sénatoriale la même année portant, elle, sur le mal-être au travail (Gérard Dériot, Commission des affaires sociales du Sénat).
Tous ces travaux ont été les prémices à la mise sur pied d’une mission d’information de l’assemblée nationale en 2011 sur les risques psychosociaux donnant lieu à la parution d’un rapport du collège d’expertise sur le suivi de ces risques (Michel Gollac, sociologue et statisticien - Marceline Bodier, statisticienne à l’INSEE), tout comme à celle d'un premier plan santé au travail obligeant les grandes entreprises à agir pour réduire le stress au travail.
Définition des risques psychosociaux
Le « Rapport Gollac » qui fut publié à la suite de ces travaux définit les risques psychosociaux (RPS) comme des « risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental ».
Le Ministère du travail précise par ailleurs que « leurs causes sont à rechercher à la fois dans les conditions d’emploi, les facteurs liés à l’organisation du travail et aux relations de travail. Ils peuvent concerner toutes les entreprises quel que soient leur taille et leur secteur d’activité » (Source : Ministère du travail, de la santé et de la solidarité).
Définition des RPS selon leurs effets
D'une manière générale, cela questionne sur les conditions qui engendrent de la violence psychologique. En portant le regard sur leurs effets, les risques psychosociaux peuvent se définir de la manière suivante.
Le stress est une réponse d’adaptation de l’organisme face à une situation déstabilisante afin de réagir au changement d'environnement qui entraîne un déséquilibre. Le stress est un mécanisme de réponse qui engendre des réactions physiologiques et psychosomatiques comportant trois phases principales. La première est une réaction d'alarme de l'organisme qui peut se concrétiser par la fuite, l'attaque, l'immobilisation, la compensation... Dans une seconde phase, l'organisme rentre en résistance en mettant en action des réactions métaboliques, avant d'atteindre une troisième phase qui concerne l'épuisement correspondant à un état de stress chronique. Par effet de saturation, l'organisme n'est alors plus en capacité d'assurer une régulation.
Les violences internes concernent les conflits, les agissements sexistes, le harcèlement moral, le harcèlement sexuel... Les violences internes concernent en fait un champ assez large de situations professionnelles mettant en évidence des relations interpersonnelles difficiles, conflictuelles, oppressantes et blessantes. Les violences internes peuvent être psychologiques en passant par des insultes, des brimades, voire physiques par des atteintes directes à l’endroit d'une personne et peuvent aller jusqu'à des cas de harcèlement moral et/ou de harcèlement sexuel.
Les violences externes regroupent les incivilités, les agressions verbales ou physiques portées à l'encontre d'un individu par une ou des personnes extérieures à l'organisation professionnelle. Il peut s'agir d'usagers, de clients, d'intervenants extérieurs... Les violences externes portent sur des insultes, des agressions verbales ou physiques, des attitudes méprisantes, des atteintes dégradantes, parfois un déni de reconnaissance.
L'épuisement professionnel ou burnout est un épuisement physique, émotionnel et mental consécutif à des situations de stress professionnel chronique où la dimension de l'engagement personnel est prédominante. L’épuisement professionnel survient lorsque le salarié ressent un écart trop important entre ses attentes, la représentation qu’il a de son métier (portée par des valeurs et des règles) et la réalité du travail. Selon l'institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS), le burnout comporte généralement plusieurs dimensions :
l’épuisement émotionnel : sentiment d’être vidé de ses ressources émotionnelles ;
la dépersonnalisation ou le cynisme : insensibilité au monde environnant, déshumanisation de la relation à l’autre (les usagers, clients ou patients deviennent des objets), vision négative des autres et du travail ;
le sentiment de non-accomplissement personnel au travail : sentiment de ne pas parvenir à répondre correctement aux attentes de l'entourage, dépréciation de ses résultats, sentiment de gâchis…
Les effets des risques psychosociaux sur la santé mentale et physique ont été décrits et synthétisés par l'INRS qui a édité plusieurs documents ressources sous la forme de brochure descriptive, ainsi que divers supports didactiques sur le sujet du stress, des violences, du harcèlement morale, du harcèlement sexuel et d'une manière générale sur l'ensemble des effets qui portent atteinte à la qualité de vie au travail. Ces ressources documentaires permettent de disposer d'un socle de référence adapté à l'ensemble des situations concernant les salariés en entreprise ou dans tout type d'établissement.

Conséquences des RPS
Les conséquences des risques psychosociaux sur la santé du salarié sont importantes en générant par exemple :
des troubles musculosquelettiques ;
des maladies cardio-vasculaires ;
des troubles anxio-dépressifs ;
de l'épuisement professionnel ;
des suicides...
Au niveau de la collectivité publique, de l'établissement, de l'entreprise ou de l'organisation professionnelle dans son ensemble, les conséquences des RPS sont également très néfastes, car elles génèrent de nombreux phénomènes qui se conjuguent tels que :
démotivation chez les salariés, perte de la dynamique de groupe ;
dégradation de la qualité du travail et de la productivité ;
ambiance de travail dégradée entraînant un climat social tendu ;
image de marque néfaste et pénalisante pour la réputation ;
turnover et difficultés à remplacer les salariés absents ou à recruter ;
hausse de l'absentéisme lié aux maladies et aux accidents du travail...
Selon une étude menée par l'INRS et Arts et Métiers ParisTech, le coût social du stress en France, si on prend en considération les dépenses de soins, celles liées à l’absentéisme, aux cessations d’activité et aux décès prématurés, a été estimé en 2007 entre 2 et 3 milliards d’euros.
Les 6 catégories de facteurs de risques psychosociaux
Le « Rapport Gollac » met en évidence plusieurs causes de RPS qu'il regroupe en six catégories de facteurs de risques psychosociaux. Cette approche offre une grille de lecture consensuelle permettant d’évaluer et de prévenir les risques psychosociaux communément reprise lorsqu'on définit les RPS.
Les 6 catégories de facteurs de risques psychosociaux sont :
Intensité et temps de travail (contraintes de rythme, objectifs flous et irréalistes, exigences de polyvalence non-maitrisée, instructions contradictoires, amplitude et durée de travail, incertitudes sur les horaires) ;
Exigences émotionnelles (tensions avec le public, exposition à la souffrance et/ou à la détresse humaine, obligations de paraitre) ;
Manque d'autonomie (latitude décisionnelle et marges de manœuvre restreinte, perte d'implication dans les décisions concernant son travail) ;
Rapports sociaux au travail dégradés (iniquité dans la distribution des ressources et des avantages, altération des relations interpersonnels, absence de perspective de carrière, inadéquation de la tâche à réaliser, inadaptation des procédures, absence de prise en compte du bien-être des salariés) ;
Conflits de valeurs (distorsion entre l'exigence au travail et les valeurs professionnelles, sociales ou personnelles, réalisation d'un travail jugé inutile, application de méthodes réputées inefficaces, travail estimé de mauvaise qualité, perte de fierté dans l'action) ;
Insécurité de la situation de travail (insécurité socio-économique, risque de perte d'emploi, risque de diminution de salaire, contrat de travail précaire, risque de changement non maitrisé de la tâche et des conditions de travail, restructuration, inquiétude sur le devenir professionnel).
La brochure de l'INRS ci-dessous synthétise ces 6 catégories de facteurs de risques psychosociaux.

Émergence d'un cadre juridique
Dans le même temps, dès la fin des années 80, les débats juridiques se sont progressivement saisis du sujet des RPS, notamment après la parution d’une directive européenne le 12 juin 1989 sur l’amélioration de la santé et de la sécurité des travailleurs. Cette directive européenne pose en effet les bases de la prévention des risques professionnels en mettant également l'accent sur la préservation de la santé mentale des travailleurs.
Dès lors, les obligations de l'employeur intègrent les risques psychosociaux et ont ainsi pu être renforcées et affirmées dans ce sens. Ainsi, dans chaque collectivité, chaque établissement ou encore chaque entreprise, la préservation de la santé physique et mentale des travailleurs passe par une démarche de prévention, notamment primaire, afin de permettre une prise en compte des risques psychosociaux le plus en amont possible.
Prévention des risques psychosociaux
La démarche de prévention des risques psychosociaux passe par un ensemble d'actions définies par le code du travail. Toute démarche de prévention implique une analyse des pratiques faite au travers d'une évaluation des risques fondée sur les situations auxquelles sont confrontés les salariés. Selon l'organisation concernée, une enquête RPS peut être lancée afin de poser le diagnostic de la situation dans la collectivité, l'établissement ou l'entreprise. C'est généralement le préalable à l'élaboration d'un plan de prévention des risques psychosociaux. Ainsi, la gestion des RPS peut être objectivée et les actions prioritaires peuvent ainsi être mises en évidence.
Après l'étape d'évaluation des RPS vient le temps de la formation des personnels afin de les sensibiliser et de permettre une meilleure prise en compte. En effet, les obligations de l'autorité d'emploi pour les collectivités, du chef d'établissement ou du chef d'entreprise, portent aussi sur la nécessité de mettre en œuvre les actions de formation nécessaires auprès des travailleurs et des salariés. L'action de formation relative à la prévention des risques psychosociaux favorise une meilleure compréhension des mécanismes en jeu, des causes, des facteurs de risques et des effets des RPS.
L'ensemble de cette démarche de prévention s'inscrit dans le cadre du dialogue social avec les représentants du personnel en soumettant les travaux à l'avis des instances représentatives, et notamment le comité social. Selon la structure concernée, ce comité social prend différentes formes :
territorial (CST), qui peut se réunir en formation spécialisée pour la santé, la sécurité et les conditions de travail (F3SCT) dans les collectivités territoriales ;
d'administration (CSA), voire la F3SCT pour les établissement d'enseignement ;
d'établissement (CSE), voire la F3SCT pour les établissements de santé ;
économique (CSE) dans les entreprises d'au moins 11 salariés.