Dans toutes les organisations, qu'elles soient étatiques, institutionnelles ou implantées dans le milieu des entreprises privées ou publiques, l'amélioration de la performance, de la qualité et de l'efficacité du service rendu représente une préoccupation constante et parfois un enjeu managérial. Impliqués dans une logique d'amélioration continue et d'efficience, les différents acteurs au sein des organisations sont légitimement amenés à se questionner sur le déroulement des évènements et sur les choix opérés.
Loin d'une recherche des fautes ou des responsabilités, le retour d'expérience dénommé généralement "RETEX" ou "REX" est en définitive une approche managériale qui consiste à s'interroger sur les choses qui ont bien fonctionnées et sur l'identification des axes de progrès.
Alors qu'il n'existe pas de formalisation universelle de la manière de conduire un RETEX, un consensus se dégage néanmoins sur les méthodes à mettre en œuvre et sur les principales étapes incontournables.
Qu'est-ce qu'un retour d'expérience
Le retour d'expérience (RETEX ou REX) s'inscrit dans une démarche d'amélioration continue qui consiste à tirer profit des évènements vécus, qu'elles qu'ont pût être les pratiques, au sens positif ou faisant apparaître des besoins d'adaptation ou d'ajustements.
Afin de tirer le meilleur profit de la démarche, le RETEX ne doit pas être orienté vers une stigmatisation des erreurs commises en vue de prendre des sanctions. Au contraire, il doit être résolument tourné vers la nécessité d'aborder les sujets sans tabou et en toute objectivité. Cette approche laisse pleinement une place à la capacité d'apprendre, d'améliorer les processus et de promouvoir les aspects positifs. Ainsi, les écarts ou l'échec peuvent être valorisés par une culture du "droit à l'erreur" en les assimilant à des expériences indispensables pour progresser et pour les transformer en levier de performance.
Grâce à cette dynamique, le RETEX peut être source de solutions en cas de problèmes de démotivation, de manque de cohésion ou d'adhésion. Il permet d'éviter de produire les mêmes erreurs en cas d'anomalie. Au contraire, il favorise la reproduction de bonnes pratiques qui ont conduit à la réussite d'un projet.
Cela met en évidence qu'un RETEX ne doit pas être conduit uniquement en cas d'anomalie ou d'insuffisance. La démarche consistant à mettre en exergue ce qui peut nécessiter des aménagements, comme ce qui a bien fonctionné, la conduite de RETEX est une dynamique managériale vertueuse et nécessaire dans la culture d'entreprise ou de la collectivité.
La mise en place d'une démarche de RETEX contribue aussi à consolider la mémoire collective sur ce qui a bien ou mal fonctionné. Le retour d'expérience favorise également le dialogue entre les acteurs et les différentes parties prenantes d'un projet ou ayant vécu un évènement. L'usage du retour d'expérience montre son efficacité dans un grand nombre de situations, qu'il s'agisse du fonctionnement courant dans l'organisation, comme à l'issue d'une crise.
La mise en œuvre d'une démarche de RETEX est généralement fondée sur la survenue d’un évènement source qui peut être :
A la suite d'un exercice ;
Une situation de crise ;
Une situation nouvelle ;
Une situation porteuse de risques ;
Des situations itératives ou similaires ;
Ou plus simplement, un évènement porteur d’enseignements.
En réalité, le choix de l'élaboration d'un retour d'expérience fluctue en fonction de l'évènement source et de la définition des objectifs opérationnels qui sont développés dans le paragraphe spécifique à l'étape 1 ci-dessous.
Principales étapes du RETEX
Pour être conduite de manière optimale, l'organisation d'un retour d'expérience répond à plusieurs étapes chronologiques clés. En effet, la méthode consiste à développer des phases successives de recueil des éléments, d'analyse des faits et des orientations prises, d'identification des aspects positifs et négatifs, puis de déclinaison des choix qui devront être partagés.
L'élaboration du retour d'expérience peut se concevoir en mode projet, tout au moins dans sa philosophie et parce qu'elle est abordée selon un processus itératif en quatre grandes étapes, comme présenté dans la figure ci-dessous.

Etape 1 - La collecte des données et des informations
Avant toute chose, il est nécessaire de clarifier et de documenter certains aspects, comme :
Définir l'objectif opérationnel et l'objet de l'analyse ;
Etablir le contexte et la typologie (ex. : situation nouvelle, évènement récurrent) ;
Compiler les éléments généraux tels que la description, la temporalité, les ressources engagées.
Cette première étape est incontournable, car il s'agit de bien contextualiser les choses et de définir le cadre de l'analyse qui sera conduite. C'est à cet instant que l'on identifie et que l'on arrête le choix des personnes ressources qui seront sollicitées. Il s'agit aussi de clarifier la façon dont vont être collectées les informations.
Pour instaurer un climat de confiance propice et ouvert aux échanges, la démarche devra être présentée et explicitée aux personnes mobilisées.
Lors de cette première étape, la définition de l'objectif opérationnel est donc essentielle. Il peut s'agir par exemple de :
Partager une vision globale de l'évènement et renforcer les liens entre partenaires (Cf. Réseau avec de multiples partenaires) ;
Repérer les points positifs et les capitaliser (ex. : techniques, compétences, organisation) ;
Identifier les points négatifs et proposer les axes d'amélioration ;
Reconnaître le travail de chacun et faciliter la résilience ;
Valoriser l'expérience acquise pour la gestion des évènements futurs (ex. : mise à jour ou validation de procédures, de plans, évolutions règlementaires, expertise technique) ;
Démultiplier les enseignements tirés et sensibiliser les potentiels acteurs.
La collecte des données et des informations peut se faire au moyen de retours spontanés, par la diffusion et l'exploitation de questionnaires et/ou par la constitution d'ateliers spécifiques.
Etape 2 - L'analyse des éléments collectés
L'analyse des données et des éléments collectées permet d'étudier ce qui n'a pas bien fonctionné en cherchant à identifier les écarts avec ce qui est attendu, mais aussi d'observer ce qui a permis d'obtenir des bons résultats en identifiant les agents facilitateurs. L'approche développée peut être fondée sur des méthodes qualitatives ou quantitatives.
Dans le cas où l'on relève des points négatifs, une étude des causes et des impacts s'avère alors nécessaire pour évaluer les conséquences. Plusieurs outils d'analyse peuvent être mobilisés. Cela offre l'avantage de ne pas biaiser la réflexion et d'objectiver les résultats sans parti pris. On peut alors fonder l'examen sur l'usage d'un diagramme d'Ishikawa (diagramme en arrêtes de poisson) pour identifier les éléments qui ont permis de déboucher sur la problématique identifiée. Dans les cas les plus complexes, l'usage d'un arbre des causes peut aussi s'avérer utile.
A l'inverse, dans le cas où des points positifs sont mis en évidence, il y a lieu de collecter et d'analyser les informations qui permettent de promouvoir les bonnes pratiques, sans occulter de mettre l'accent sur les facteurs qui ont pu être propices et qui ont facilité ce résultat. L'usage d'une matrice d'étude sous la forme "QQOQCCP" (Qui, Quoi, Où, Quand, Combien, Comment, Pourquoi ?) peut être intéressant, là aussi pour avoir un regard objectif sur les résultats.
Dans tous les cas, qu'il s'agisse de points forts ou de points faibles, l'observation doit déboucher sur l'émergence des éventuels axes d'amélioration.
Etape 3 - L'exploitation des données
A ce niveau de la réflexion, la finalité est d'élaborer le plan d'actions qui pourra prendre la forme de diverses mesures :
Curatives, pour corriger une problématique ;
Compensatoires, en adaptant certaines actions ;
Préventives, pour pallier la survenue de toutes nouvelles difficultés.
Il s'agit donc de mettre en évidence les enseignements à retenir de l'évènement. Sur cette base, l'organisation, la collectivité ou l'entreprise peut tirer partie de la situation vécue et anticiper toute nouvelle difficulté sous jacente.
Les actions identifiées et plus particulièrement celles qui prennent le trait d'axes d'amélioration, peuvent porter sur des dimensions techniques, organisationnelles et/ou humaines.
A ce stade, il ne suffit pas de lister les bonnes intentions, il s'agit avant tout d'organiser la réalisation effective du plan d'actions. Dans les cas les plus simples, la mise en œuvre effective ne nécessite pas de processus particulier. Pour les cas les plus complexes par contre, l'usage d'une matrice "RACI" (Responsible [Réalisateur ou Acteurs en français], Accountable [Approbateur], Consulted [Consulté], Informed [Informé]) et la communication qui doit nécessairement accompagner sa mise en place peuvent être utiles. Cet approche permet d'identifier qui sera le pilote, dans quel périmètre d'actions les personnes impliquées interviendront, selon quelle temporalité elles devront agir, ainsi que la façon où les travaux devront être restitués.
Etape 4 - Le partage du résultat du retour d'expérience
Le partage des résultats du RETEX doit être réalisé avec les acteurs impliqués, la direction de l'établissement et d'une manière plus exhaustive avec l'ensemble des collaborateurs concernés.
Le format de ce partage demeure libre et dépend du mode de communication généralement développé en interne. Selon le cas et pour une thématique particulière, la diffusion d'une fiche de synthèse sous la forme d'infographie(s) que chacun peut aisément s'approprié, est une option intéressante. Cette méthode offre l'avantage que chacun puisse prendre en compte les aspects de bonnes pratiques et de développement des compétences.
La temporalité du RETEX
En conclusion, il est aussi utile d'apporter un éclairage sur la temporalité et le format particulier que peut prendre un retour d'expérience. En effet, le temps laissé à la libération de la parole n'a pas la même portée, selon qu'il intervient dans les tous premiers instants qui suivent le déroulement de l'évènement (à chaud) ou que l'on se donne du temps pour le recueil des éléments nécessaires et pour atteindre une certaine maturation (à froid).
On parle généralement de "briefing" et surtout de "debriefing". Ces termes sont issus d'un langage militaire qui a largement été diffusé depuis jusque dans la sphère du travail et du monde professionnel au sens large. Dans le premier cas, le "briefing" permet de transmettre les toutes dernières informations et les éléments essentiels à l'engagement d'une mission. Il permet de lever les malentendus et d'anticiper les éventuels dysfonctionnements. Le "debriefing" survient dès la fin de la phase d'action, "à chaud" alors que l'évènement est tout juste achevé.
Le "debriefing" permet de mettre l'accent sur ce qui a bien fonctionné, ce qui a dysfonctionné, s'il est nécessaire de reprendre un processus. Ce temps de dialogue doit rester court et favoriser les échanges directs. En l’absence de "debriefing", les divergences de points de vue ne sont pas soulevées, les malentendus s’ancrent, les mauvaises pratiques se répètent. Cette phase est donc un premier temps nécessaire qui rentre dans la démarche de RETEX.
Dans cette dynamique, une réunion des protagonistes et de chaque équipe concernée peut être programmée dans un délai de deux semaines à un mois, afin de développer le partage des expériences vécues par chacun, selon la méthodologie décrite auparavant.